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CÉSAR.

donner le signal à ses complices, on eût vu se consommer en ce jour le pire forfait qui se fût encore commis depuis la fondation de Rome. Mais, comme il ne se trouva pas assez de conjurés avec des armes, cette circonstance fit échouer le projet. »

Ici Salluste compose plaisir un discours du chef des conjurés à ses complices, puis il ajoute aux paroles par le drame : « On disait dans ce temps-la qu’après avoir prononcé son discours, Catilina, voulant lier par un serment les complices de son crime, fit passer à la ronde des coupes remplies de sang humain mêlé avec du vin. »

Dans de telles extrémités, réelles ou feintes, mais que les terreurs des patriciens s’efforçaient de faire réputer réelles, on chercha un homme de bien, crédule et vaniteux, dont l’intégrité, l’éloquence et le patriotisme pussent intimider César et ramener par de beaux discours l’opinion alarmée du peuple à la défense de la patrie et du sénat. On nomma Cicéron : c’était l’homme d’apparat qui convenait à un drame imaginaire. Cicéron était trop honnête pour inventer les crimes de Catilina et de ses complices, s’il les avait crus innocents ; mais il avait trop d’esprit pour les croire aussi dangereux que coupables, et il était assez habile pour détacher César de ce groupe de radicaux déhontés et pour frapper les membres, sans toucher la tête et même sans la désigner dans ses harangues.

On ne peut douter de l’opinion qu’il avait de César, en lisant la troisième lettre confidentielle du septième livre de sa correspondance :

« Il est certain que nous aurons affaire à un homme aussi puissant qu’il est audacieux et entreprenant : il aura pour lui tous les gens condamnés ou mal famés, et tous ceux qui méritent d’être notés d’infamie sans qu’ils le soient encore, presque toute notre jeunesse, toute cette plèbe urbaine et exécrable, tous les tribuns en crédit sur la multi-