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CÉSAR.

chaude des attroupements, ils périssent après le paroxysme, mais ils sont redoutables pendant l’accès.

Tel était le grand démagogue de Rome : Clodius.

César seul avait de l’empire sur Clodius, parce que César était un Clodius de génie, un Clodius modéré, un Clodius politique qui couvrait la démagogie tumultueuse du vrai Clodius de sa considération quand elle tombait dans le mépris, de sa protection quand elle formulait des désordres, de son indulgence quand elle touchait au crime. D’ailleurs, César, comme on l’a vu, n’avait pas craint de faire lui-même violence au sénat, aux lois, à son collègue le consul Bibulus, pour favoriser les prétentions de Clodius au titre de plébéien et aux fonctions de tribun du peuple, dont ce titre de plébéien était la condition à Rome.

Ces services forçaient Clodius, sinon à la reconnaissance, au moins à une déférence qui profitait à César. Entre ces deux hommes il y avait un lien d’ambition d’un côté, de clientèle de l’autre. Il leur importait également de ne rompre à aucun prix cette coalition sourde de l’ambition et du crime.

Un hasard allait mettre à une pénible épreuve cette alliance des deux agitateurs de Rome, et montrer si dans César l’homme l’emportait sur l’ambitieux ou l’ambitieux sur l’homme.

Clodius, qui fréquentait la maison de César, aimait Pompéia, la jeune et belle épouse du consul. Pompéia, séduite par la jeunesse et par les grâces de Clodius, avait préféré le tribun au héros.

Cette passion criminelle de Pompéia et de Clodius éprouvait des obstacles dans la nombreuse domesticité de César et dans la surveillance de sa mère, femme austère, qui gouvernait sa maison. Une jeune esclave de Pompéia, nommée Abza, corrompue à prix d’or par sa maîtresse, favorisait les entrevues secrètes des deux