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CÉSAR.

la Gaule cisalpine et de la Gaule transalpine répéter les mêmes harangues, les mêmes invocations et les mêmes larmes devant les soldats de César. On voit avec quel art l’homme qui méditait depuis tant d’années le renversement de toutes les lois, à l’abri des lois, pousse par sa seule attitude ses ennemis eux-mêmes a les violer contre lui, et fait servir les organes du peuple lui-même à invoquer les armes contre le peuple !

Pendant cette agitation des tribuns dans les camps déjà dispersés de César, Rome attend dans l’anxiété la réconciliation ou la guerre entre les deux rivaux. On espérait encore la réconciliation de la prudence de Pompée et de la longanimité de César.

Cicéron, dans son inappréciable correspondance, éprouve et décrit, dans les transes de son propre esprit, toutes les transes par lesquelles Rome et l’Italie passent en peu de jours entre ces deux ennemis qui se mesurent avant de se frapper. L’histoire vivante et palpitante de cette dernière crise de la liberté romaine est tout entière dans les lettres de Cicéron. Bon citoyen, homme vertueux, attaché à la république, sans partager ni les illusions des patriciens ni les turbulences des plébéiens, client de Pompée, caressé de César et son obligé, admirateur de Caton, égal à tous par l’intelligence, ne prévoyant que des calamités du choc qui menaçait l’Italie, trop honnête pour abandonner Pompée, trop faible pour résister à César, il éprouvait, dans l’agonie de son caractère, l’agonie de la république.

Laissons-le parler :

« C’est aujourd’hui le 15 octobre ; César, dites-vous, doit faire entrer demain quatre légions dans Plaisance pour menacer de plus près. Qu’allons-nous devenir ? J’ai envie de me renfermer dans la citadelle d’Athènes !… Nous sommes, je le sens, à la veille d’une guerre civile plus funeste que la guerre ides Parthes, à moins que le