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HOMÈRE.

grave ou légère, douce ou triste, douloureuse ou délicieuse, y trouve son retentissement ou son cri. Il faut plus encore, il faut que les notes de cette gamme humaine soient très-sonores et très-vibrantes en lui, pour communiquer leur vibration aux autres ; il faut que cette vibration intérieure enfante sur ses lèvres des expressions fortes, pittoresques, frappantes, qui se gravent dans l’esprit par l’énergie même de leur accent. C’est la force seule de l’impression qui crée en nous le mot, car le mot n’est que le contre-coup de la pensée. Si la pensée frappe fort, le mot est fort ; si elle frappe doucement, il est doux ; si elle frappe faiblement, il est faible. Tel coup, tel mot ; voilà la nature !

Enfin, le sixième élément nécessaire à cette création intérieure et extérieure qu’on appelle poésie, c’est le sentiment musical dans l’oreille des grands poëtes, parce que la poésie chante au lieu de parler, et que tout chant a besoin de musique pour le noter et pour le rendre plus retentissant et plus voluptueux à nos sens et à notre âme ; et si vous me demandez : « Pourquoi le chant est-il une condition de la langue poétique ? » je vous répondrai : « Parce que la parole chantée est plus belle que la parole simplement parlée. » Mais si vous allez plus loin, et si vous me demandez : « Pourquoi la parole chantée est-elle plus belle que la parole parlée ? » je vous répondrai que je n’en sais rien, et qu’il faut le demander à Celui qui a fait les sens et l’oreille de l’homme plus voluptueusement impressionnés par la cadence, par la symétrie, par la mesure et par la mélodie des sons et des mots que par les sons et les mots inharmoniques jetés au hasard ; je vous répondrai que le rhythme et l’harmonie sont deux lois mystérieuses de la nature, qui constituent la souveraine beauté ou l’ordre dans la parole. Les sphères elles-mêmes se meuvent aux mesures d’un rhythme divin, les astres chantent ; et Dieu n’est pas seulement le grand architecte, le grand