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MADAME DE SÉVIGNÉ.

vient pathétique ; elle se retient à tout comme quelqu’un qui se noie, même à la pluie qui tombe et au vent qui court.

« Je vous avoue que l’excès d’un si mauvais temps fait que je me suis opposée à son départ pendant quelques jours. Je ne prétends pas qu’elle évite le froid, ni les boues, ni les fatigues du voyage, mais je ne veux pas qu’elle soit noyée. Cette raison, quoique très-forte, ne la retiendrait pas présentement, sans le coadjuteur qui part avec elle, et qui est engagé de marier sa cousine d’Harcourt. Cette cérémonie se fait au Louvre. M. de Lyonne est le procureur ; le roi lui a parlé… Ce serait une chose si étrange que d’aller seule, et c’est une chose si heureuse pour elle d’aller avec son beau-frère, que je ferai tous mes efforts pour qu’ils ne se quittent pas. Cependant les eaux s’écouleront un peu ; je veux vous dire de plus que je ne sens pas le plaisir de l’avoir présentement ; je sais qu’il faut qu’elle parte ; ce qu’elle fait ici ne consiste qu’en devoir et en affaires ; on ne s’attache à nulle société ; on ne prend aucun plaisir ; on a toujours le cœur serré ; on ne cesse de parler de chemins, de pluies, des histoires tragiques de ceux qui se sont hasardés. En un mot, quoique je l’aime comme vous savez, l’état où nous sommes à présent nous pèse et nous ennuie ; ces derniers jours-ci n’ont aucun agrément. Je vous remercie de la pitié que je vous fais ; vous pouvez mieux comprendre qu’un autre ce que je souffre et ce que je vais souffrir ! »

Le sur lendemain, nouvel obstacle.

« Les pluies ont été et sont encore si excessives, qu’il y aurait eu de la folie à se hasarder. Toutes les rivières sont débordées, tous les grands chemins sont noyés, toutes les ornières cachées ; on peut fort bien verser dans tous les gués ; enfin, la chose est au point que madame de Rochefort, qui est chez elle à la campagne, qui brûle d’envie de revenir à Paris, où son mari la souhaite, et où sa mère