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MADAME DE SÉVIGNÉ.

rassée de Marphise ; je ne comprends pas ce qu’on en fait ; quelle raison lui donnerai-je ? Cela me jette insensiblement dans les menteries ; tout au moins je lui conterai bien toutes les circonstances de mon nouvel engagement. Enfin c’est un embarras où j’ai résolu de ne jamais me retrouver : c’est un grand exemple de la misère humaine ; ce malheur m’est arrivé par le voisinage de Vitré. »

La légèreté, les amours, les repentirs de son fils, sont le texte habituel de ses confidences à sa fille. Mais il n’est que l’objet de son enjouement qui le sacrifie sans cesse au sourire de sa sœur.

« Comme je venais de me promener avant-hier, je trouvai au bout du mail le frater, qui se mit et deux genoux aussitôt qu’il m’aperçut, se sentant si coupable d’avoir été trois semaines sous terre à chanter matines, qu’il ne croyait pas pouvoir m’aborder d’une autre façon. J’avais bien résolu de le gronder, et je ne sus jamais où trouver de la colère ; je fus fort aise de le voir. Vous savez comme il est divertissant ; il m’embrassa mille fois ; il me donna les plus méchantes raisons du monde, que je pris pour bonnes. Nous causons fort, nous lisons, nous nous promenons et nous achevons ainsi l’année, c’est-à-dire le reste. »

Elle entremêla cependant sa solitude de visites à monsieur et madame de Chaulnes ; il faut lire ces triomphantes descriptions des états, on se sent en pleine Bretagne du dix-septième siècle.

Juin 1671. « Je ne sais encore, écrit-elle à sa fille, ce que me feront les états ; je crois que je m’enfuirai de peur d’être ruinée. C’est une belle chose que d’aller dépenser mille écus en fricassées et en dîners, pour l’honneur d’être la maison de plaisance de monsieur et madame de Chaulnes, de madame de Rohan, de M. de Lavardin, et de toute la Bretagne, qui, sans me connaître, pour le