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BOSSUET.

sèque la nature entière sans y trouver ni une larme, ni un hymne, ni un Dieu.

Vers le temps de la naissance de Bossuet, son père fut nommé conseiller au parlement de Metz. Il laissa sa femme et ses enfants à Dijon. Un de ses frères, Claude Bossuet, aussi conseiller au parlement de Bourgogne, se chargea du soin de la famille. C’était un homme austère et lettré comme sa profession. Il démêla de bonne heure les aptitudes transcendantes de son neveu, et s’étudia è les cultiver pour l’honneur du nom. L’enfant, élevé dans sa maison, mais allant recevoir tous les jours l’enseignement classique et religieux au collège des jésuites, dépassait de nature tous ses égaux d’années. Maîtres et condisciples ne le mesurèrent bientôt qu’à lui-même. On n’essaye d’envier que ce qu’on espère d’égaler. La suprématie de cette intelligence déconcerta tout, même l’admiration. Il n’eut d’enfance que sur son visage ; son esprit fut mûr en naissant. Les livres de la bibliothèque de son oncle suffisaient à peine à son impatience de lecture. Sa passion pour le beau dans l’idée, dans l’image et dans l’harmonie des langues, le livra surtout aux poëtes, ces divins musiciens de l’âme. Il s’enivra de vers. Homère surtout, qui retrace toute la nature comme un océan limpide retrace, en les remuant, ses rivages, fut la Bible profane de son imagination. C’est là qu’il puisa la simplicité, la majesté, le pathétique. Les prophètes lui donnèrent le lyrisme et le cri. On comprend moins comment il s’engoua pour toute sa vie du poëte latin Horace, esprit exquis, mais raffiné, qui n’a pour corde à sa lyre que les fibres les plus molles du cœur ; voluptueux indifférent qui s’amuse et écouter murmurer en lui le flot de la vie courant parmi les fleurs à la mort. Il n’y a rien dans Horace qui soit de nature à justifier cette prédilection de Bossuet, à moins que ce ne soit cette grâce nue de la pensée, ce premier mot venu de l’inspiration, ce jeu péril-