Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 36.djvu/146

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
145
BOSSUET.

était leur expression la plus fréquente. On y sentait une disposition naturelle à la sincérité ; jamais la rudesse ni le dédain. En résumé général, dans cette physionomie, la grâce du caractère couvrait si complétement la force de l’intelligence, et la suavité de chaque trait y tempérait si harmonieusement la virilité de l’ensemble, qu’on ne s’y apercevait du génie qu’a l’exquise délicatesse des muscles et des nerfs de la pensée, et que l’attrait l’emportait sur l’admiration. Nul lecteur des œuvres ou de la vie de cet homme redoutable ne mettrait le nom de Bossuet sur cette figure tempérée que les peintres nous ont laissée. C’est que l’âme évidemment, dans ce grand homme, était d’une trempe, et le génie d’une autre. La nature l’avait fait tendre, le dogme l’avait fait dur. Mais alors il n’était que serein. La maigreur des joues et la pâleur précoce du teint imprimaient sur ce visage l’ascétisme du temple et les veilles de l’étude luttant contre la séve de la vie.

Tel était Bossuet à cet âge, tel nous le retrouverons encore dans sa vieillesse, sous le pinceau du peintre ou sous le ciseau du statuaire : beauté morale qui n’a point d’enfance et qui n’a point de caducité.

Cette figure et ce caractère le faisaient respecter par ceux qui l’aimaient. On ne voit pas trace d’un défaut dans son enfance ou d’une légèreté dans sa jeunesse ; il semblait échapper sans lutte aux fragilités de la nature et n’avoir d’autre passion que le beau et le bien. On eût dit qu’il respectait d’avance lui-même l’autorité future de son nom, de son ministère, et qu’il ne voulait pas qu’il y eût une tache humaine à essuyer sur l’homme de Dieu quand il entrerait de plain-pied du siècle dans le tabernacle.

A quatorze ans, son père, doyen du parlement de Metz, le rappela dans cette ville pour y jouir de son canonicat et pour y achever ses études de lettres humaines et de théologie. On ne tarda pas à l’envoyer à Paris pour l’exposer