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BOSSUET.

flexions, de considérations, d’exclamations, dans lequel l’orateur se plongeait avec ses auditeurs, et on conçoit, par ce qui manque, une plus étonnante idée de ce qui fut. Qui n’a pas reconstruit ainsi, à l’aide de quelques vestiges. des édifices aussi entiers et aussi gigantesques que ceux de Palmyre ou de Balbek, bien que le plan ne se lise que dans les fondations et les matériaux que dans la poussière ?

La diction était (disent les traditions) conforme au génie. Une stature élevée, une pose ferme, un visage recueilli, un geste rare, une voix profonde, partant d’une âme et non d’un rôle, une dignité qui était dans la vie autant que dans le ministère, un profond sentiment de la supériorité, non de l’homme, mais de l’organe de la parole divine sur les hommes attentifs à sa voix ; enfin on ne sait quoi de prestigieux que le pressentiment de la gloire future donne, dès le commencement de leur carrière, aux hommes qui doivent survivre à leur temps : tels étaient les traits de Bossuet dans la chaire. On oubliait l’homme, on ne voyait que l’inspiré ; on n’assistait pas à un discours, mais à une respiration d’éloquence. On sortait ému plus que ravi. On n’avait pas le temps de penser à l’admiration. Ce n’était pas l’admiration non plus que cherchait l’orateur. De tous ses mépris pour le monde, le plus sincère était son mépris pour la gloire humaine, et c’est ce mépris sincère qui le rendait plus éloquent.

Sa parole tombait de si haut qu’elle écrasait tout en tombant, même l’orateur. De là vient qu’elle avait tant de poids et tant de retentissement dans la chute.

La reine Anne d’Autriche se souvint du jeune théologien qu’elle avait entrevu à Metz ; elle voulut l’entendre. Cette princesse, après avoir abdiqué l’empire, avait la piété tendre comme le cœur. Sa longue familiarité avec Mazarin, Italien de Léon X autant que de Machiavel, lui avait exercé le goût pour les arts et pour l’éloquence. Bossuet prêcha