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BOSSUET.

cette force violente et impétueuse qu’il avait acquise aux montagnes d’où il tire son origine : ainsi cette vertu céleste qui est contenue dans les écrits de saint Paul, même dans cette simplicité de style, conserve toute la vigueur qu’elle apporte du ciel, d’où elle descend. »

La célébrité du prédicateur s’élevait et s’étendait à chaque discours. Le grand Condé voulut l’entendre à Dijon, dans cette chaire, pour ainsi dire natale, dont un autre orateur sacré devait s’emparer de nos jours pour faire souvenir sa patrie de Bossuet. Il y fut ce qu’il savait être toujours, à la fois politique et théologien, inspiré, foudroyant et habile, n’oubliant jamais la cour en parlant du ciel, ni le ciel en parlant à la cour.

Après un éloge oratoire du grand Condé, qui l’écoutait, Bossuet, dans ce discours, reprend tout à coup sa taille d’apôtre après son prosternement de courtisan.

« Mais non, s’écrie-t-il, en me souvenant au nom de qui je parle, j’aime mieux abattre aux pieds de mon Dieu les grandeurs du monde que de les admirer plus longtemps dans un héros ! »

Le roi, prévenu par sa mère et par sa cour, voulut enfin que Bossuet parlât devant lui dans la chapelle du Louvre. Ce prince, presque illettré alors, avait plus que la science du beau dans les arts : il en avait la révélation. Le don d’admirer, plus rare encore que le don de juger, était la vertu d’esprit de Louis XIV. C’est à ce don qu’il dut la majesté de son règne. La gloire qu’il aimait, et qu’il discernait du fond de son ignorance, rejaillit par reconnaissance sur lui. Il eut une grandeur de reflet ; les flambeaux qu’il alluma l’illuminèrent.

La grande voix de Bossuet le remua dès le premier jour. Il pressentit le prophète de son temps : il discerna aussi du premier regard le génie de bon sens, de convenance et de discipline naturelle qu’on sentait dans cette éloquence,