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BOSSUET.

chastes et plus saintes par l’austère discipline du christianisme qui en était le lien. Bossuet n’en sortait que pour monter dans la chaire ou pour cultiver quelques hautes faveurs de cour, convenances de sa dignité. Depuis qu’il était évêque, il prêchait plus rarement dans les chaires banales : il réservait sa parole pour d’éclatantes solennités, dont sa voix faisait des dates d’éloquence.

Un nouveau genre d’éloquence, rappelant les panégyriques des anciens, l’avait tenté. C’étaient les oraisons funèbres, sorte de discours éminemment adaptés à son génie par leurs circonstances, dont la tribune était un tombeau, dont une vie mémorable, tragique ou sainte, terminée par une mort récente, était le texte, et dont un cercueil était l’appareil. Là tout prêtait à l’éloquence de l’orateur sacré des accents, des spectacles, des gémissements, des consolations, des cris, des hymnes dignes de sa voix ; le temple en deuil, l’autel nu, les torches funèbres, les prêtres vêtus de couleurs sinistres, le catafalque entouré de la famille, des amis, des enfants, des serviteurs attristés ; les larmes des proches, le contraste de la grandeur, de la puissance ou de la renommée du mort, avec ce cadavre tombé tout à coup des hauteurs de la vie dans ce coffre de bois, pour devenir un moment le vain sujet d’un discours, puis à jamais la proie de la terre, déjà ouverte pour l’ensevelir ; cette vicissitude quotidienne, soudaine mais toujours frappante, de la vie au tombeau ; ces examens a haute voix, comme dans l’Égypte antique, de la mémoire encore chaude du mort au seuil de son sépulcre ; ce pressentiment audacieux du jugement de Dieu sur le mort, au moment où il est déjà jugé par l’infaillible Juge ; ce récit majestueux ou touchant des grandes choses de la vie, ces accents d’histoire dans les annales d’un de ses acteurs, ces retours à la religion, seul objet apparent du discours ; ce pathétique des derniers moments et des