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NELSON.

l’amour, cette ambition insatiable des âmes tendres, serait l’écueil de sa vie.

Nommé au commandement du Borée, Nelson répandit de plus en plus son nom et sa popularité parmi les marins de sa patrie, par les exploits et les prises dont il consterna les côtes d’Amérique. La part dans ces dépouilles de l’Océan qui revenait à son équipage ne s’élevait pas à moins d’un million quand le Borée rentra dans la Tamise. L’amirauté contesta longtemps une partie de cette prime de guerre aux officiers et aux matelots de Nelson ; Nelson s’adressa au roi, qui le combla. d’éloges et de grâces, et il triompha ainsi de l’administration de la marine.

Ses campagnes et ses triomphes avaient effacé en lui l’impression de son premier amour au Canada. Il fut séduit par les charmes et par les vertus d’une jeune veuve de dix-neuf ans, mistress Nisbet, et il l’épousa le 11 mars 1787. Ses camarades et ses rivaux de la flotte s’affligèrent de ce mariage, qui semblait devoir rappeler à la vie domestique un jeune homme que la patrie, la guerre et la gloire revendiquaient déjà, partout comme le héros futur de l’Angleterre. « Hier, dit dans son journal un de ces officiers, qui devint depuis son second et la tête des escadres, la marine anglaise a perdu une de ses plus rares illustrations par le mariage de Nelson. C’est une perte nationale que le mariage d’un tel officier ; sans ces amours, Nelson serait devenu le plus grand homme de mer de sa patrie. »

Ces augures ne tardèrent pas à être trompés : Nelson, jouissant avec délices de son bonheur domestique, mais toujours prêt à l’interrompre ou à le sacrifier à sa patrie, conduisit sa nouvelle épouse chez son père. Le vieillard infirme et isolé vivait encore pour jouir du premier bonheur et des premières gloires de son fils. « Mon pauvre Horatio, lui dit-il en l’embrassant, ta présence me rend le sentiment d’une nouvelle existence ; mais, ajouta-t-il en mouillant de