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MADAME DE SÉVIGNÉ.

« Je fais planter, dit-elle dans une de ses lettres, une infinité de petits arbres, et un labyrinthe d’où on ne sortira pas sans le fil d’Ariane. J’ai aussi acheté plusieurs morceaux de terre à qui j’ai dit, suivant ma manière accoutumée : Je vous fais parcs ! de sorte que j’ai étendu mes jardins et mes promenoirs, sans qu’il m’en ait coûté beaucoup ! »

À son retour à Paris, après la courte campagne de Louis XIV en Franche-Comté, elle trouva le roi étalant scandaleusement à Compiègne et à Paris, sans respect pour la jeune reine, ses amours mal éteints avec mademoiselle de la Vallière, madame de Monaco, madame de Montespan, légitimant par des actes publics les enfants qu’il avait de ses favorites, faisant enregistrer en termes effrontés au parlement le titre de duchesse qu’il conférait à l’une, enlevant l’autre à son mari, et s’affranchissant des murmures de M. Montespan en l’exilant au fond de la France ; mais la divinité du roi était devenue un dogme si incrusté dans la servilité des courtisans, que les insolences même du roi contre les lois, les mœurs, la religion, le mariage, paraissaient royales, et que, tout en rougissant, la cour adorait.

Bien que madame de Sévigné fût, suivant deux vers italiens de Ménage,

Donna bella, gentil, cortese e saggia,
Di castità, di fede e d’amor tempio ;

c’est-à-dire « femme accomplie de beauté, d’amabilité, de vertu, dont l’âme était un sanctuaire de chasteté, de foi et de pur amour ! » la corruption de l’exemple tombait de si haut, et le vice se confondait tellement avec la majesté, qu’elle ne se montre pas dans ses lettres aussi scandalisée qu’elle était pure. Pendant ces longues années de dépravation publique, elle continua de suivre sa fille dans les fêtes