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jocelyn.

Celles-ci dans le pré plongeant jusqu’aux genoux,
Ruminaient en paissant sous des buissons de houx,
Tandis que des taureaux, jouant sur des pelouses,
Penchant leur tête oblique et leurs cornes jalouses,
Sur leurs jarrets dressés, choquaient comme deux blocs
Leur front sonore et lourd, retentissant des chocs.


À l’angle d’un buisson, sous un tronc de charmille,
Un jeune montagnard, puis une jeune fille,
Sur la même racine étaient assis tous deux ;
Seuls, n’ayant que le ciel et les bois autour d’eux.
Ils gardaient sans soucis ces troupeaux dont la cloche,
Comme un appel lointain, tintait de roche en roche,
Laissaient veiller le dogue, ou chantaient quelquefois,
Pour qu’un chevreau perdu se guidât sur la voix.
Les coudes appuyés sur ses genoux, le pâtre
Penchait son front chargé de cheveux noirs sur l’âtre,
Où fumait parmi l’herbe un reste de tison ;
Et, regardant le sol, du bout de son bâton
Il semblait au hasard écrire sur la cendre.
Sa rêverie avait quelque chose de tendre ;
Et quand il relevait son front de ses genoux,
Qu’il ouvrait au grand jour son œil limpide et doux,
Dans le pli gracieux de sa lèvre ridée
On voyait en passant sourire son idée ;
Et quand de son amour ce regard s’inondait,
Un soupir contenu de son sein débordait ;
Mais ce soupir n’était qu’un élan sans tristesse,
Un poids levé du cœur que le bonheur oppresse.


La jeune fille avait cette fleur de beauté
Que n’a mûrie encore aucun rayon d’été,