Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 4.djvu/153

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
152
jocelyn.

Quand le soleil, qui monte en raccourcissant l’ombre,
Fut à moitié du ciel, sur l’herbe molle et sombre
Le jeune homme étendit son corps pour sommeiller,
Et, comme abandonnant son front à l’oreiller,
Sur les genoux pliés de sa paisible amie
Laissa tomber son coude et sa tête endormie.
Elle ne dormait pas pendant qu’il sommeillait,
Mais, essuyant son front que la sueur mouillait,
Jouant dans ses cheveux avec ses doigts d’ivoire,
Roulait et déroulait leur boucle épaisse et noire.


L’heure du repas vint ; ils mangèrent ; leur main
Puisa le même lait, rompit le même pain.
Leurs genoux rapprochés leur servirent de table ;
Ils choisirent la fraise au même plat d’érable,
Partagèrent la grappe et le rayon de miel,
Et dans la même coupe ils burent l’eau du ciel.


Mais le rayon du soir, qui pompe les orages,
Sur le vallon plus sombre abaissait les nuages ;
La feuille qu’à midi le vent laissait dormir
Dans les bois murmurants commença de frémir,
Et, comme au flanc des monts un brouillard qui s’essuie,
La brume descendit sur l’herbe en fine pluie ;
Ils vinrent s’abriter contre le tronc noirci
Du hêtre, où le troupeau se rassemblait aussi ;
Et, comme au bruit du vent qui secouait sa voûte,
La feuille sur leurs cous distillait goutte à goutte,
Sous les flancs ténébreux d’une arche de rocher
Où les oiseaux mouillés à l’abri vont percher,
Dérobés à mes yeux par un rideau d’ombrage,
Ils laissèrent en paix égoutter le nuage.