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jocelyn.

Où les derniers élans de deux cœurs, de deux voix,
Semblaient se ranimer et s’éteindre à la fois.
Ma torche cependant dans ces mornes ténèbres
Jetait son jour rougeâtre et ses vapeurs funèbres ;
Moi, debout dans un coin de la grotte, à l’écart,
De peur de profaner la douleur d’un regard,
Tantôt je ranimais la torche évanouie,
Tantôt, pour réveiller quelque signe de vie,
Je jetais au blessé l’eau froide du courant,
Ou soufflais la chaleur sur les pieds du mourant ;
Et, tantôt à genoux dans l’ombre la plus noire,
Cherchant les chants sacrés épars dans ma mémoire,
Le Christ entre mes mains, je murmurais tout bas
Les hymnes dont la foi berce encor le trépas,
Afin qu’une prière au moins, de cette terre,
Précédât dans le ciel cette âme solitaire !
La moitié de la nuit ainsi se consuma ;
Vers l’aurore, la vie un peu se ranima.
Il regarda son fils, il jeta sur la voûte
Un regard où semblait hésiter quelque doute ;
Puis, reportant sur moi l’œil fixe de la mort,
Et recueillant ses sens en un dernier effort :


« Je meurs, murmura-t-il, et le ciel vous confie
» Ce fils mon seul regret, ce fils mon autre vie.
» Veillez sur ce destin que j’abandonne à Dieu !
» Soyez pour lui, soyez un père, un frère ! Adieu ! »


La parole à sa lèvre, hélas ! montait encore,
Mais dans les sons éteints ne pouvait plus éclore ;
De moments en moments sa tête s’égarait ;
Aucun fil ne liait les mots qu’il murmurait ;