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quatrième époque.

Tout cela s’est enfui comme un brouillard de l’âme,
Qu’un rayon plus puissant absorbe dans sa flamme.
Ah ! c’est assez pour moi de lire dans un cœur,
D’y voir ses sentiments éclore dans leur fleur ;
Dans chaque impression que chaque heure y fait naître,
D’étudier son âme et de m’y reconnaître,
Moi tout entier, mais moi plus jeune de six ans,
Sous des traits plus naïfs, plus doux, plus séduisants,
Dans cet étonnement tendre que toute chose
Donne, au premier contact, à l’âme à peine éclose,
Dans la limpidité de l’eau de ce bassin
Avant qu’un rameau mort soit tombé dans son sein.


Aussi je ne lis plus. Moi, lire ? Eh ! quel poëme
Égalerait jamais la voix de ce qu’on aime ?
Quelle histoire touchante emporterait mon cœur
Dans une fiction égale à mon bonheur ?
Quels vers vaudraient pour moi son âme ? et quelle page
Disputerait mes yeux à son charmant visage,
Quand, sous ses blonds cheveux se dérobant au jour,
Il rougit d’amitié comme on rougit d’amour,
Et que, pour me cacher cette honte enfantine,
Il m’embrasse en collant son front sur ma poitrine ?


Aussi, depuis qu’un cœur bat enfin sur le mien,
Tous mes instincts sont purs et me portent au bien ;
Mon âme, qui souvent tarit dans la prière,
Nage toujours en moi dans des flots de lumière :
Une telle clarté m’échauffe dans ses yeux,
Le timbre de sa voix m’est si mélodieux,
Tant de divinité sur ce doux front rayonne,
Que la splendeur de Dieu jour et nuit m’environne.