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jocelyn.

Même date, plus tard.

— « Mais, lui disais-je encor, tu ne sais pas peut-être
» Qu’au veuvage du cœur Dieu condamne le prêtre,
» Lui défend les doux noms et d’amant et d’époux,
» Et qu’il n’est à personne afin qu’il soit à tous ;
» Que si Dieu me voulait tout à son saint service,
» Il faudrait boire, hélas ! mon sang dans ce calice ;
» À vivre l’un sans l’autre un jour s’habituer !
» — Alors, dit-elle, écoute : il vaut mieux me tuer !
» Mais à quoi penses-tu ? Ce Dieu qui nous rassemble
» Ne nous a-t-il pas mis par la main, seuls ensemble,
» Perdus, nous unissant dans un exil commun
» Plus qu’il n’unit jamais deux cœurs, deux sorts en un ?
» Ne m’a-t-il pas jetée à tes bras, comme on trouve
» L’enfant abandonné qu’on réchauffe et qu’on couve ?
» Me rejetteras-tu froide et morte à mon sort ?
» Lui diras-tu : Seigneur, mon frère unique est mort ?
» Lui consacreras-tu, comme un encens, ta vie
» Et la mienne ? oui, la mienne, après l’avoir ravie ?
» N’en maudirait-il pas l’abominable don ?
» N’appellerait-il pas ton remords par mon nom ?
» Oh ! non, sa volonté n’est plus un vain problème :
» Je me fie à l’arrêt qu’il a porté lui-même,
» À cet isolement complet dans ce désert,
» Au seul cœur ici-bas que sa main m’ait ouvert,
» À ce renversement des choses de la terre,
» Qui rend notre bonheur lui-même involontaire.