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jocelyn.

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Le berger, à mon nom, croit que Dieu lui commande
De découvrir le fils que l’évêque demande :
Il révèle la grotte où son pas m’a conduit.
Ces deux hommes de bien y montent dans la nuit :
Pour franchir le ravin où le torrent déborde,
Au tronc sur l’autre rive ils lancent une corde ;
Ils approchent ; j’entends leurs pas lourds retentir ;
Laurence qui dormait ne me voit pas sortir.
Les bergers en deux mots me font leur saint message ;
Une lutte rapide en moi-même s’engage,
L’amour dans mon esprit combat le dévoûment ;
Mais la mort n’attend pas. Je demande un moment,
Je rentre dans la grotte, et j’arrache une feuille
Du livre où pour prier Laurence se recueille ;
J’écris ces mots tremblants : « Dors en paix, mon amour,
» Mon absence de toi ne sera que d’un jour ! »
Ce papier tout trempé des pleurs dont je l’arrose,
Ma main sur son chevet, tremblante, le dépose.
Quel réveil !… je ne puis y penser sans frémir !
Je regarde un moment ce front calme dormir,
Je sens mon cœur se fendre au paisible sourire
Qui la trompe en dormant, quand je vais au martyre !
Si je la réveillais, je ne partirais pas !
Du guide impatient j’entends sonner les pas,
Je me jette à genoux au bord de cette couche ;
Je colle sur ses pieds mon front, mes yeux, ma bouche ;
J’invoque dans mon cœur tous les anges de Dieu
À la garde de l’ange assoupi dans ce lieu ;
Je la bénis de l’œil, des larmes et du geste ;
Mon pied fixé s’arrache au sol où mon cœur reste ;