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sixième époque.

Et pendant le printemps, qui n’est qu’un court sourire,
Enivre de ses fleurs le vent qui les respire.
Des monts tout blancs de neige encadrent l’horizon,
Comme un mur de cristal, de ma haute prison,
Et, quand leurs pics sereins sont sortis des tempêtes,
Laissent voir un pan bleu de ciel pur sur nos têtes :
On n’entend d’autre bruit, dans cet isolement,
Que quelques voix d’enfants, ou quelque bêlement
De génisse et de chèvre au ravin descendues,
Dont le pas fait tinter les cloches suspendues ;
Les sons entrecoupés du nocturne Angelus,
Que le père et l’enfant écoutent les fronts nus,
Et le sourd ronflement des cascades d’écume,
Auquel, en l’oubliant, l’oreille s’accoutume,
Et qui semble, fondu dans ces bruits du désert,
La basse sans repos d’un éternel concert.


Les maisons, au hasard sous les arbres perchées,
En groupes de hameaux sont partout épanchées,
Semblent avoir poussé, sans plans et sans dessein,
Sur la terre, avec l’arbre et le roc de son sein ;
Les pauvres habitants, dispersés dans l’espace,
Ne s’y disputent pas le soleil et la place,
Et chacun sous son chêne, au plus près de son champ,
A sa porte au matin et son mur au couchant.
Des sentiers où des bœufs le lourd sabot s’aiguise
Mènent de l’un à l’autre, et de là vers l’église,
Dont depuis deux cents ans à tous ces pieds humains
Le baptême et la mort ont frayé les chemins.


Elle s’élève seule au bout du cimetière
Avec ses murs épais et bas, verdis de lierre,