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jocelyn.

Les uns couchés à l’ombre en un coin du gazon,
D’autres se réchauffant contre un mur au rayon ;
Ceux-ci léchant le sel le long de la muraille,
Et ceux-là becquetant ailleurs l’herbe ou la paille ;
Trois ruches au midi sous leurs tuiles ; et puis
Dans l’angle, sous un arbre, au nord, un large puits
Dont la chaîne rouillée a poli la margelle,
Et qu’une vigne étreint de sa verte dentelle :
Voilà tout le tableau. Sept marches d’escalier
Sonore, chancelant, conduisent au palier,
Qu’un avant-toit défend du vent et de la neige,
Et que de ses réseaux un vieux lierre protége ;
Là, suspendus le jour au clou de mon foyer,
Mes oiseaux familiers chantent pour m’égayer.


Jusqu’ici, grâce aux lieux, au ciel, à la nature,
Ton doux regard de sœur sourit à ma peinture ;
Ta tendre illusion dure encor : mais, hélas !
Si tu veux la garder, ô ma sœur, n’entre pas !…
Mais non, pour vos deux cœurs je n’ai point de mystère :
Pourrais-je devant vous rougir de ma misère ?
Entrez, ne plaignez pas ma riche pauvreté :
Ces murs ne sentent pas leur froide nudité !


Des travaux journaliers voilà d’abord l’asile,
Où le feu du foyer s’allume, où Marthe file ;
Marthe, meuble vivant de la sainte maison,
Qui suivit dans le temps son vieux maître en prison,
Pauvre fille, à ces murs trente ans enracinée,
Partageant leur prospère ou triste destinée,
Me servant sans salaire et pour l’honneur de Dieu,
Surveillant à la fois la cure et le saint lieu,