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jocelyn.

Voir de combien de mains avaient grandi leurs troncs,
Les comparer de l’œil comme alors à nos fronts,
En froisser une feuille, en cueillir une branche ;
Appeler par son nom chaque colombe blanche
Qui, partant de nos pieds pour voler sur les toits,
Rappelait à son cœur nos ramiers d’autrefois ;
Écouter si le vent dans l’herbe ou la verdure,
L’onde dans la rigole, avaient même murmure ;
Éprouver si le mur de la chère maison
Renvoyait aussi tiède au soleil son rayon ;
Ou si l’ombre du toit, sur son vert seuil de mousse,
Au penchant du soleil s’allongeait aussi douce.
C’était à chaque chose une exclamation,
Un soupir, puis un mot de résignation,
Puis de son bras au nôtre une étreinte plus vive
Qui trahissait l’élan d’une âme convulsive.
Enfin de la demeure ouverte, d’un coup d’œil
Et d’un élan rapide elle franchit le seuil ;
Elle nous entraîna d’un pas involontaire
Dans toute la maison, comme en un sanctuaire
Qu’elle semblait fouler avec recueillement,
N’osant ni respirer, ni faire un mouvement,
Comme si du passé l’image tendre et sainte
Devait au moindre bruit s’enfuir de cette enceinte.


Dans notre toit d’enfant presque rien de changé ;
Le temps, si lent pour nous, n’avait rien dérangé :
C’était toujours la salle ouvrant sur la pelouse,
Le réduit qu’obscurcit la liane jalouse,
La chambre maternelle où nous vînmes au jour,
Celle de notre père, à côté, sur la cour ;
Ces meubles familiers qui d’une jeune vie,
Sous notre premier toit, semblent faire partie,