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jocelyn.

Paris, 21 septembre 1800.

Quel spectacle, Seigneur, vous donnez à vos anges,
Dans ces grands chocs d’idée et ces luttes étranges !
Sur ce peuple qui peut savoir votre dessein ?
Vous avez mis, grand Dieu, deux âmes dans son sein :
L’une, d’un vague instinct vers l’inconnu guidée,
Sonde la mer du doute et découvre l’idée ;
Lui donne, en pétrissant le verbe dans sa main,
La forme qui la rend palpable au sens humain ;
La tire comme l’or de sa mine profonde,
Et la frappe en monnaie à l’usage du monde :
L’autre, âme de soldat, toujours ferme et debout,
Comme un volcan divin dans sa poitrine bout,
Aspire aux quatre vents le souffle de la guerre,
Et pour champ de bataille a pris toute la terre ;
Et, par cette âme double à la fois agissant,
Il sert Dieu de son cœur, et l’homme de son sang !
Semblable de nos jours au peuple de Moïse
Qu’en deux parts au combat le prophète divise,
L’une dans le vallon, mourant pour Israël ;
L’autre sur les hauteurs, levant les mains au ciel !…


Pour lancer tous ses fils à la lutte inégale,
Paris semble des camps la grande capitale ;
On voit par chaque porte entrer ses bataillons,
Renaissante moisson de ses sanglants sillons,