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neuvième époque.

Léchant mes mains, mordant mon habit, mon soulier,
Sautant du seuil au lit, de la chaise au foyer,
Fêtant toute la chambre, et semblant aux murs même,
Par ses bonds et ses cris, annoncer ce qu’il aime ;
Puis, sur mon sac poudreux à mes pieds étendu,
Me couva d’un regard dans le mien suspendu.
Me pardonnerez-vous, vous qui n’avez sur terre
Pas même cet ami du pauvre solitaire ?
Mais ce regard si doux, si triste de mon chien
Fit monter de mon cœur des larmes dans le mien.
J’entourai de mes bras son cou gonflé de joie ;
Des gouttes de mes yeux roulèrent sur sa soie :
« Ô pauvre et seul ami, viens, lui dis-je, aimons-nous !
Partout où le ciel mit deux cœurs, s’aimer est doux ! »


Hélas ! rentrer tout seul dans sa maison déserte,
Sans voir à votre approche une fenêtre ouverte,
Sans qu’en apercevant son toit à l’horizon
On dise : « Mon retour réjouit ma maison ;
Une sœur, des amis, une femme, une mère,
Comptent de loin les pas qui me restent à faire ;
Et dans quelques moments, émus de mon retour,
Ces murs s’animeront pour m’abriter d’amour ! »
Rentrer seul, dans la cour se glisser en silence,
Sans qu’au-devant du vôtre un pas connu s’avance,
Sans que de tant d’échos qui parlaient autrefois
Un seul, un seul au moins tressaille à votre voix ;
Sans que le sentiment amer qui vous inonde
Déborde hors de vous dans un seul être au monde,
Excepté dans le cœur du vieux chien du foyer
Que le bruit de vos pas errants fait aboyer ;
N’avoir que ce seul cœur à l’unisson du vôtre,
Où ce que vous sentez se reflète en un autre ;