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neuvième époque.

Quelque tente qui fume, ou quelque palmier vert
Qui rompe à son regard la ligne du désert,
Mais qui, n’apercevant que des sables arides
Dont le vent du simoun a labouré les rides,
Sans espoir qu’aucun pied vienne le secourir,
Ferme les yeux au jour et s’assied pour mourir.


Puis, comme un cœur brisé qu’un mot touchant ranime,
Et criant vers le ciel du fond de mon abîme,
Je jette à Dieu mon âme, et je me dis : « En lui
J’ai les eaux de ma soif, la fin de mon ennui ;
J’ai l’ami dont le cœur de tout amour abonde,
La famille immortelle et l’invisible monde ! »
Et je prie, et je pleure, et j’espère, et je sens
L’eau couler dans mon cœur aride, et je descends,
Dans mon jardin trempé par les froides ondées,
Visiter un moment mes plantes inondées ;
Je regarde à mes pieds si les bourgeons en pleurs
Ont de mes perce-neige épanoui les fleurs ;
Je relève sous l’eau les tiges abattues,
Je secoue au soleil les cœurs de mes laitues,
J’appelle par leurs noms mes arbres en chemin,
Je touche avec amour leurs branches de la main,
Comme de vieux amis de cœur je les aborde :
Car dans l’isolement mon âme, qui déborde
De ce besoin d’aimer, sa vie et son tourment,
Au monde végétal s’unit par sentiment ;
Et, si Dieu réduisait les plantes en poussière,
J’embrasserais le sol et j’aimerais la pierre !…


Je caresse en rentrant sur le mur de ma cour,
L’aile de mes pigeons tout frissonnants d’amour,