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jocelyn.

La tiède attraction des rayons d’un ciel chaud
Sur les monts ce matin m’avait mené plus haut ;
J’atteignis le sommet d’une rude colline
Qu’un lac baigne à sa base et qu’un glacier domine,
Et dont les flancs boisés, aux penchants adoucis
Sont tachés de sapins par des prés éclaircis.
Tout en haut seulement, des bouquets circulaires
De châtaigniers croulants, de chênes séculaires,
Découpant sur le ciel leurs dômes dentelés,
Imitent les vieux murs des donjons crénelés,
Rendent le ciel plus bleu par leur contraste sombre,
Et couvrent à leurs pieds quelques champs de leur ombre.
On voit en se penchant luire entre leurs rameaux
Le lac dont les rayons font scintiller les eaux,
Et glisser sous le vent la barque à l’aile blanche,
Comme une aile d’oiseau passant de branche en branche ;
Mais, plus près, leurs longs bras sur l’abîme penchés,
Et de l’humide nuit goutte à goutte étanchés,
Laissaient pendre leur feuille et pleuvoir leur rosée
Sur une étroite enceinte au levant exposée,
Et que d’autres troncs noirs enfermaient dans leur sein,
Comme un lac de culture en son étroit bassin ;
J’y pouvais, adossé le coude à leurs racines,
Tout voir, sans être vu, jusqu’au fond des ravines.


Déjà, tout près de moi, j’entendais par moments
Monter des pas, des voix et des mugissements :
C’était le paysan de la haute chaumine
Qui venait labourer son morceau de colline
Avec son soc plaintif traîné par ses bœufs blancs,
Et son mulet portant sa femme et ses enfants ;
Et je pus, en lisant ma Bible ou la nature,
Voir tout le jour la scène et l’écrire à mesure.