Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 4.djvu/39

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
38
introduction.

peu à peu. Cette Chambre avait beau répéter son petit refrain : Ce n’est qu’un poëte qui parle ! le poëte finit bientôt par prouver à tous qu’il était un homme politique.

Alors la Chambre, épouvantée du grand chemin que celui-là lui indiquait d’un geste irrésistible, voulut revenir sur ses impressions premières ; elle voulut sérieusement se défendre contre cette influence qu’elle subissait sans l’accepter : mais, Dieu merci ! il n’était plus temps, l’homme politique était sorti vainqueur de cette lutte dans laquelle il n’eût jamais pénétré sans sa renommée de grand poëte ; et à cette heure cette Chambre, d’abord si rebelle, accepte avec empressement les moindres paroles sorties de sa bouche à ce point qu’elle l’a applaudi avec un assentiment marqué le jour même où M. de Lamartine a pris la défense, contre M. Arago en personne, des belles-lettres et de la poésie, que voulaient envahir les mathématiques et les sciences, ces deux reines du monde. Et, bien plus, la Chambre ne vient-elle pas d’applaudir encore M. de Lamartine, osant proclamer, du haut de la tribune, que S. M. l’empereur Napoléon était un grand homme, moins la liberté, et qu’après tout les temps prédits par la sibylle de 1789 n’étaient pas accomplis ? Certes, arriver ainsi, au milieu d’une émotion pareille, quand les mânes de l’empereur sont à nos portes, contre M. Thiers soutenu de toute la France impériale et par tant de souvenirs dont il sera un jour l’éloquent historien ; certes, faire accepter ces rudes paroles d’une justice sévère par une majorité de députés qui doivent partir le surlendemain, pour chanter à table, avec leurs électeurs, les chansons de Béranger, c’est là un des plus grands triomphes que nous sachions de l’éloquence moderne ; et pour arriver là il ne faut rien moins que toute l’influence de M. de Lamartine, conquise et force de talent, de génie, de persévérance et de probité.