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jocelyn.

Cherche en vain dans sa voix un mot pour me bénir,
Se met sur son séant, et ne peut s’y tenir…
Je lui fis, avec peine, avaler une goutte
D’un flacon de vin vieux que j’avais pour ma route ;
Et quand il eut repris ses forces à demi :
« Que faites-vous ici, lui dis-je, mon ami,
» Sous cette arche, à cette heure ? Êtes-vous un coupable
» Que son crime poursuit ? ou quelque misérable
» Qui, n’ayant plus de toit pour abriter son front,
» Pendant les nuits d’hiver se cache sous le pont ?
» Coupable ou malheureux, vous n’avez rien à taire :
» Pardonner, soulager, c’est tout mon ministère ;
» Je suis l’œil et la main et l’oreille de Dieu,
» Sa providence à tous, le curé de ce lieu ! »
Un éclair, à ce nom, parcourut son visage ;
Il joignit ses deux mains : « Le curé du village ?
» Vous ! vous ! s’écria-t-il. Ne me trompez-vous pas ?
» Ah ! c’est Dieu qui nous a jetés là sous vos pas ;
» Ô bon Samaritain, c’est lui qui vous envoie !
» Arriver jusqu’à vous, puis mourir avec joie ! —
» Qu’attendez-vous de moi ? lui dis-je. — Hélas ! voyez,
» Voyez ce qu’en tombant je dépose à vos piés ! »
Et, retirant son corps, qui projetait une ombre
Sur le côté de l’arche et du fardeau plus sombre,
Je vis sur la poussière un grand coffre de bois :
Un lambeau de lin blanc en couvrait les parois ;
Une croix de drap noir, petite, inaperçue,
Du côté le plus large au lin était cousue ;
Une image de sainte, au bas, avec des lis,
Comme le pauvre peuple en suspend à ses lits ;
Un rameau de buis sec ; plus haut, une couronne
De ces fleurs de papier qu’aux fiançailles l’on donne,
Que tresse un fil de cuivre aux oripeaux d’argent,
Pauvre luxe fané de l’amour indigent.