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neuvième époque.

» Me relevant un peu, me traînant sous la bière,
» Les genoux et les mains déchirés par la pierre.
» Enfin, sentant le cœur me défaillir ici,
» Et craignant qu’avant l’heure où l’air est éclairci
» Le pied du voyageur nous heurtât dans sa marche,
» J’ai tiré mon fardeau sous l’abri de cette arche.
» Déjà mort, à vos soins mon regard s’est rouvert ;
» La grâce du Seigneur à vous m’a découvert !… »

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« Ô mon frère, lui dis-je, ô modèle de l’homme !
» De quelque nom obscur que la terre vous nomme,
» Oh ! quelle charité ne rougit devant vous ?
» Ah ! sous tant de fléaux qui s’acharnent sur nous,
» Quand l’homme que l’on jette et traîne sur la claie
» N’est plus qu’un vil fumier qu’un fossoyeur balaie,
» À qui la terre même a fermé le tombeau,
» Pour le cœur contristé qu’il est doux, qu’il est beau
» De voir l’humanité, dans une classe obscure,
» Par de semblables traits révéler sa nature,
» Conserver à la mort tant de fidélité,
» Ne voir dans le cercueil que l’immortalité !
» Et combien on est fier, dans ce poids de misère,
» D’être homme avec cet homme et de le nommer frère !
» Ah ! venez avec moi, courage ! levez-vous !
» L’ange de vos amours marchera devant nous ;
» À la terre de Dieu je porterai moi-même
» Ce corps, dont l’âme au ciel vous regarde et vous aime ;
» Je creuserai sa fosse à l’ombre du Seigneur,
» Je ferai pour ses os comme pour une sœur.
» Mais, ô mon cher enfant, consolez-vous ! Son âme
» N’a pas besoin là-haut que ma voix la réclame ;