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NOTES.

» Au sortir d’un bois que j’avais traversé la tête basse, un rayon de soleil me fit lever les yeux. Cette fois, ce ne fut plus le riche aspect des vallées du bas pays, ni celui de la zone intermédiaire. Une chaîne moutonneuse de pâturages se déroulait devant moi, fermée par un entassement de rocs blanchis sous la nappe des hivers ; pyramide du désert élevant le front au-dessus des nuages, et coupée à la ceinture par la ligne de verdure sombre qui venait mourir à mes pieds. Entre ce mur de l’horizon et les pâturages qui semblent pendre à ses reins gigantesques, il y a cependant une gerçure profonde du sol. Cette gerçure enfouit des villages et des plaines, et ce mur à la crête inondée de soleil ou baignée des vapeurs de la tempête, cette robuste pyramide de la terre qui porte une couronne d’ouragans et un manteau de neiges éternelles, c’est le mont Blanc ! le mont Blanc, du haut duquel descendent dix-huit glaciers, dont quelques-uns ont jusqu’à six lieues de longueur.

» Je passai la nuit à Hauteluce. Hauteluce est le pays de la lumière élevée (alta lux), un petit village dont le clocher vêtu de fer-blanc, et délicatement ouvragé, semble un minaret d’argent de quelque ville sainte de l’Arabie.

» Au soleil couché, quand l’ombre eut noirci les pâturages, je vis les dernières effluves roses du jour diamanter les neiges du mont Blanc, puis s’éteindre l’une après l’autre. Plaignez-moi de cette méchante plume qu’un pinceau remplacerait si bien, — si j’étais peintre.

» Le lendemain matin, j’étais au col Joly, ou plateau des Dames. Le col Joly ferme la vallée de Hauteluce sur le mont Blanc. Sa déclivité rapide, au versant nord-est, descend sur Notre-Dame de la Gorge, une chapelle consacrée à la Vierge, perdue dans le repli de cette gerçure du sol qui sépare le mont Blanc des pâturages de Hauteluce.

» À mesure que j’avais marché, quelque grand pic s’était effacé dans le ciel ; la chaîne montagneuse du géant alpestre, dont la plus haute sommité parut s’être évanouie, n’ayant désormais que des dimensions relatives à mon rapprochement, se présenta à mes yeux avec des proportions moins écrasantes, se couchant dans le Faucigny comme des flots sur une grève. À ma droite, d’âpres roches brunes se coupaient çà et là de longs filets de neige, dont l’opposition de couleur les assombrissait encore. En face, un bras de la mer de glace se montra, au premier coup d’œil, comme une large route sablonneuse s’enfonçant à l’un de ses coudes dans la montagne ; bientôt des teintes étranges déta-