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NOTES.

aspérité simule une tour, et présente vers ses extrémités une bordure qui l’entoure dans toute sa circonférence. Vous croiriez une galerie tracée par le ciseau autour de l’escarpement du roc, et ouverte aux pas curieux des visiteurs. La légende nous a transmis que sur cette espèce de chemin une jeune fille poursuivie par un Sarrasin, et ne voyant plus aucun moyen de lui échapper, se jeta à genoux, et pria la Vierge de la soustraire aux violences de son oppresseur. Soudain derrière elle un grand bruit se fit entendre : l’endroit de la galerie que franchissait le Sarrasin, et qui ne le séparait plus de la jeune fille que de quelques pas, venait de se détacher, et avait précipité le ravisseur dans l’abîme. Ce lieu est célèbre dans le pays, et tout le monde montre avec piété ce que, dans son idiome original, il appelle le Pertuis du Sarrasin.

» Ainsi, cheminant de chroniques en chroniques, nous arrivâmes au petit village de Saint-Étienne de Crossey, à l’entrée duquel les deux montagnes se resserrent et s’arrondissent, comme pour figurer deux obélisques. Le village s’assied sur une espèce d’amphithéâtre dont les pieds se baignent dans un étang qui y entretient pendant l’été une délicieuse fraîcheur. La vue se promène au loin librement sur de fertiles campagnes. Ce lieu était bien tentant pour y construire sa tente et s’y reposer, mais il fut décidé que nous ne nous arrêterions qu’arrivés à la grotte de Saint-Étienne ; et comme la route qui nous restait encore à faire allait avoir lieu jusqu’à notre destination en gravissant le rocher, nous descendîmes de voiture et de chevaux, et nous cheminâmes par un petit sentier perdu au milieu d’un grand bois de pins.

» Il y avait à peine une demi-heure que nous marchions, lorsque, le bois cessant tout à coup, nous nous trouvâmes sur une roche à nu, ou du moins sur laquelle on n’apercevait à intervalle que quelques bruyères croissant çà et là dans les crevasses ; puis nous vîmes à nos pieds, sortant sans bruit d’un interstice du rocher, une source d’eaux minérales, savonneuses, blanchâtres, et en assez grande abondance. Cette eau, que nous goûtâmes avec précaution, a une odeur sulfureuse très-prononcée ; elle est tiède, et présente une saveur très-âcre ; mais, soit à cause de son isolement dans les montagnes, soit à cause de l’abondance des eaux minérales dans le département de l’Isère, la science ne s’est pas même occupée à rechercher les propriétés qu’elle pourrait avoir, et a dédaigné de faire des expériences. Toutefois, il nous a semblé qu’on n’avait pas toujours montré la même indifférence pour ces eaux, et que, dans un temps reculé, on les avait