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prologue.

Et je montai. La chambre était déserte et sombre ;
Deux cierges seulement en éclaircissaient l’ombre,
Et mêlaient sur son front les funèbres reflets
Aux rayons d’or du soir qui perçaient les volets,
Comme luttent entre eux, dans la sainte agonie,
L’immortelle espérance et la nuit de la vie.

Son visage était calme et doux à regarder :
Ses traits pacifiés semblaient encor garder
La douce impression d’extases commencées ;
Il avait vu le ciel déjà dans ses pensées,
Et le bonheur de l’âme, en prenant son essor,
Dans son divin sourire était visible encor.
Un drap blanc, recouvert de sa soutane noire,
Parait son lit de mort ; un crucifix d’ivoire
Reposait dans ses mains sur son sein endormi,
Comme un ami qui dort sur le cœur d’un ami ;
Et, couché sur les pieds du maître qu’il regarde,
Son chien blanc, inquiet d’une si longue garde,
Grondait au moindre bruit, et, las de le veiller,
Écoutait si son souffle allait se réveiller.
Près du chevet du lit, selon le sacré rite,
Un rameau de buis sec trempait dans l’eau bénite ;
Ma main avec respect le secoua trois fois,
En traçant sur le corps le signe de la croix ;
Puis je baisai les pieds et les mains. Le visage
De l’immortalité portait déjà l’image,
Et déjà sur ce front, où son signe était lu,
Mon œil respectueux ne voyait qu’un élu.
Puis, avec l’assistant disant les saints cantiques,
Je m’assis pour pleurer près des chères reliques,
Et, priant et chantant et pleurant tour à tour,
Je consumai la nuit et vis poindre le jour.