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jocelyn.

» Il est, dans son silence, au reste des mortels
» Ce qu’est aux instruments l’orgue des saints autels :
» On n’entend pas sa voix profonde et solitaire
» Se mêler hors du temple aux vains bruits de la terre ;
» Les vierges à ses sons n’enchaînent point leurs pas,
» Et le profane écho ne les répète pas ;
» Mais il élève à Dieu, dans l’ombre de l’église,
» Sa grande voix qui s’enfle et court comme une brise,
» Et porte en saints élans, à la Divinité,
» L’hymne de la nature et de l’humanité.

» Mais vous dites peut-être : Il vit seul, et son âme,
» Que n’échauffe jamais le rayon de la femme,
» Dans cet isolement sèche et se rétrécit ;
» Il n’a plus de famille, et son cœur se durcit.
» Dites plutôt qu’à l’homme il étend sa famille :
» Les pauvres sont pour lui mère, enfants, femme et fille.
» Le Christ met dans son cœur son immense amitié ;
» Tout ce qui souffre et pleure est à lui par pitié.
» Non, non, dans ma pensée heureuse et recueillie,
» Ne craignez pas surtout que mon amour s’oublie.
» Ah ! le Dieu qui me veut n’est pas un Dieu jaloux :
» Ce vœu me donne à lui sans m’arracher à vous.
» Plus de sa charité l’océan nous inonde,
» Plus nous sommes à lui, plus nous sommes au monde,
» À ses pieux devoirs, à ses liens permis,
» Aux doux attachements de parents et d’amis.
» Devant ce Dieu d’amour dont je serai l’apôtre,
» Aucun nom à l’autel n’effacera le vôtre ;
» Et chacun des soupirs du céleste entretien
» Y portera ce nom au ciel avec le mien !
» Ne fermez pas ainsi vos lèvres interdites,
» Ne me regardez pas si tristement ; mais dites :