Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 41.djvu/26

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
25
CHAPITRE PREMIER.

Rome, sous son gouvernement, ressemblait à une république où chacun pense et dit ce qu’il veut, sans que personne inquiète ou tyrannise personne. C’était la ville hanséatique des consciences et des opinions. Aucun gouvernement ne pouvait offrir une liberté aussi complète, malgré les vices inhérents à cette nature de gouvernement, composé d’une monarchie sans hérédité, d’une démocratie sans représentation, d’une aristocratie étrangère sans patriotisme, et d’un sacerdoce sans responsabilité. Mais tous ces vices théoriques disparaissaient dans la pratique par le caractère que Pie VII et Consalvi imprimaient à son régime. J’étaís particulièrement recommandé au cardinal-ministre, que je voyais presque tous les jours chez la célèbre duchesse de Devonshire, patronne de tous les hommes de lettres et de tous les artistes romains. Veuve d’un des plus opulents seigneurs des trois royaumes, elle employait son immense fortune à faire fleurir l’Italie d’une seconde Renaissance. Le cardinal Consalvi la visitait deux fois par jour, une fois dans la matinée pour les intérêts politiques de son gouvernement avec l’Angleterre, dont elle passait pour l’ambassadeur anonyme ; une fois dans la soirée, pour s’y délasser dans un petit cercle d’hommes d’esprit des soucis du ministère.

Le chevalier de Médicí, premier ministre du roi de Naples avant l’explosion des carbonari, réfugié momentanément à Rome par crainte de l’assassinat dont il avait été menacé, nous y charmait, tous les soirs, par l’agrément de