Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/13

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

portes, nous vîmes, sur les larges toits de quelques huttes de boue, toutes les femmes et tous les enfants de la ville du désert, groupés dans les attitudes les plus pittoresques, qui se pressaient et se portaient les uns les autres pour nous voir passer. Ces femmes, dont les épaules et les jambes étaient nues, avaient pour tout vêtement un morceau de toile de coton bleu, serré au milieu du corps par une ceinture de cuir, les bras et les jambes entourés de plusieurs bracelets d’or et d’argent, les cheveux crépus et flottant sur le cou ; quelques-unes les avaient tressés et nattés avec des piastres et des sequins, en immense profusion, qui retombaient comme une cuirasse sur leur poitrine et sur leurs épaules. Il y en avait de remarquablement belles : elles n’ont point cet air de douceur, de modestie timide et de langueur voluptueuse des femmes arabes de la Syrie ; ce ne sont plus des femmes, ce sont les femelles des barbares ; elles ont dans l’œil et dans l’attitude le même feu, la même audace, la même férocité que le Bédouin. Plusieurs négresses étaient au milieu d’elles, et ne semblaient point esclaves : les Bédouins épousent également les négresses ou les blanches, et la couleur n’établit pas les rangs. Ces femmes poussaient des cris sauvages et riaient en nous voyant passer ; les hommes, au contraire, semblaient réprouver leur indiscrète curiosité, et ne nous montraient que gravité et respect.

Non loin des murs d’épines, nous passâmes près de deux ou trois maisons de scheiks : elles sont bâties de boue desséchée au soleil ; elles n’ont que quelques pieds d’élévation ; la terrasse recouverte de nattes et de tapis en est le principal appartement ; la famille s’y tient presque jour et nuit.