Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/139

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J’avais laissé non loin, sous l’aile maternelle,
Ma fille, mon enfant, mon souci, mon trésor.
Son front à chaque été s’accomplissait encor ;
Mais son âme avait l’âge où le ciel les rappelle :
Son image de l’œil ne pouvait s’effacer,
Partout à son rayon sa trace était suivie,
Et, sans se retourner pour me porter envie,

Nul père ne la vit passer.


C’était le seul débris de ma longue tempête,
Seul fruit de tant de fleurs, seul vestige d’amour,
Une larme au départ, un baiser au retour,
Pour mes foyers errants une éternelle fête ;
C’était sur ma fenêtre un rayon de soleil,
Un oiseau gazouillant qui buvait sur ma bouche,
Un souffle harmonieux la nuit près de ma couche,

Une caresse à mon réveil !


C’était plus : de ma mère, hélas ! c’était l’image ;
Son regard par ses yeux semblait me revenir,
Par elle mon passé renaissait avenir,
Mon bonheur n’avait fait que changer de visage ;
Sa voix était l’écho de dix ans de bonheur,
Son pas dans la maison remplissait l’air de charmes,
Son regard dans mes yeux faisait monter les larmes,

Son sourire éclairait mon cœur.


Son front se nuançait à ma moindre pensée,
Toujours son bel œil bleu réfléchissait le mien ;
Je voyais mes soucis teindre et mouiller le sien,
Comme dans une eau claire une ombre est retracée,