Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/157

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son du scheik, placée elle-même sur un pic plus élevé, au milieu du village. Deux profonds torrents encaissés dans les roches, et obstrués de blocs qui brisent leur écume, cernent de toutes parts le village ; on les passe sur quelques troncs de sapins où l’on a jeté un peu de terre, sans parapets, et l’on gravit aux maisons. Les maisons, comme toutes celles du Liban et de la Syrie, présentent au loin une apparence de régularité, de pittoresque et d’architecture qui trompe l’œil au premier regard, et les fait ressembler à des groupes de villas italiennes avec leurs toits en terrasses et leurs balcons décorés de balustrades. Mais le château du scheik d’Hammana surpasse en élégance, en grâce et en noblesse, tout ce que j’avais vu dans ce genre, depuis le palais de l’émir Beschir à Deïr-el-Kamar. On ne peut le comparer qu’à un de nos plus merveilleux châteaux gothiques du moyen âge, tels du moins que les ruines nous les font concevoir, ou que la peinture nous les retrace. Des fenêtres en ogive décorées de balcons, une porte large et haute surmontée d’une arche en ogive aussi, qui s’avance comme un portique au-dessus du seuil ; deux bancs de pierre sculptés en arabesques, et tenant aux deux montants de la porte ; sept ou huit marches de pierre circulaire descendant en perron jusque sur une large terrasse ombragée de deux ou trois sycomores immenses, et où l’eau coule toujours dans une fontaine de marbre : voilà la scène. Sept ou huit Druzes armés, couverts de leur noble costume aux couleurs éclatantes, coiffés de leur turban gigantesque et dans des attitudes martiales, semblent attendre l’ordre de leur chef ; un ou deux nègres vêtus de vestes bleues, quelques jeunes esclaves ou pages assis ou jouant sur les marches du perron ; et enfin plus haut, sous l’arche même de la grande porte, le