Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/185

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secoués jusqu’à plus d’un mille des monuments mêmes, comme les feuilles sèches, jetées et roulées loin de l’arbre après l’ouragan ; les profondes et larges carrières qui fendent, comme des gorges de vallées, les flancs noirs de l’Anti-Liban, ouvraient déjà leurs abîmes sous les pas de nos chevaux : ces vastes bassins de pierre, dont les parois gardent les traces profondes du ciseau qui les a creusés pour en tirer d’autres collines de pierre, montraient encore quelques blocs gigantesques à demi détachés de leur base, et d’autres taillés sur leurs quatre faces, et qui semblent n’attendre que les chars ou les bras des générations de géants pour les mouvoir. Un seul de ces moellons de Balbek avait soixante-deux pieds de long sur vingt-quatre pieds de largeur, et seize d’épaisseur. Un de nos Arabes, descendant de cheval, se laissa glisser dans la carrière, et grimpant sur cette pierre, en s’accrochant aux entaillures du ciseau et aux mousses qui y ont pris racine, il monta sur ce piédestal, et courut çà et là sur cette plate-forme, en poussant des cris sauvages ; mais le piédestal écrasait, par sa masse, l’homme de nos jours : l’homme disparaissait devant son œuvre ; il faudrait la force réunie de soixante mille hommes de notre temps pour soulever seulement cette pierre, et les plates-formes de Balbek en portent de plus colossales encore, élevées à vingt-cinq ou trente pieds du sol, pour porter des colonnades proportionnées à ces bases.

Nous suivîmes notre route entre le désert à gauche et les ondulations de l’Anti-Liban à droite, en longeant quelques petits champs cultivés par les Arabes pasteurs, et le lit d’un large torrent qui serpente entre les ruines, et au bord duquel s’élèvent quelques beaux noyers. L’Acropolis, ou la