Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/187

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seize pieds d’élévation, mais la plupart de quinze à trente ; cette colline de granit taillé se présentait à nous par son extrémité orientale, avec ses bases profondes et ses revêtements incommensurables, où trois morceaux de granit forment cent quatre-vingts pieds de développement et près de quatre mille pieds de surface ; avec les larges embouchures de ses voûtes souterraines, où l’eau de la rivière s’engouffrait, où le vent jetait, avec l’eau, des murmures semblables aux volées lointaines des grandes cloches de nos cathédrales. Sur cette immense plate-forme, l’extrémité des grands temples se montrait à nous, détachée de l’horizon bleu et rose, ou couleur d’or. Quelques-uns de ces monuments déserts semblaient intacts, et paraissaient sortir des mains de l’ouvrier ; d’autres ne présentaient plus que des restes encore debout, des colonnes isolées, des pans de muraille inclinés et des frontons démantelés : l’œil se perdait dans les avenues étincelantes des colonnades de ces divers temples, et l’horizon trop élevé nous empêchait de voir où finissait ce peuple de pierre. Les six colonnes gigantesques du grand temple, portant encore majestueusement leur riche et colossal entablement, dominaient toute cette scène, et se perdaient dans le ciel bleu du désert, comme un autel aérien pour les sacrifices des géants.

Nous ne nous arrêtâmes que quelques minutes pour reconnaître seulement ce que nous venions visiter à travers tant de périls et tant de distance ; et sûrs enfin de posséder, pour le lendemain, ce spectacle que les rêves mêmes ne pouvaient nous rendre, nous nous remîmes en marche. Le jour baissait ; il fallait trouver un asile, ou sous la tente, ou sous quelques voûtes de ces ruines, pour passer la nuit, et