Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/19

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je pense, cette illusion du désert qui a fait dire et croire à quelques voyageurs que le Jourdain roulait ses eaux bourbeuses sur un lit de cailloux et entre des rivages de sable dans le désert de Jéricho. Ces voyageurs n’avaient pu parvenir jusqu’au fleuve, et, voyant de loin une vaste mer de sable, ils n’ont pu s’imaginer qu’une oasis fraîche, profonde, ombreuse et délicieuse, était creusée entre les plateaux de ce désert monotone, et couvrait les flots à plein bord, et le lit murmurant du Jourdain, de rideaux de verdure que la Tamise même lui envierait : c’est là pourtant la vérité. Nous en restâmes confondus et charmés quand, arrivés nous-mêmes au bord du dernier plateau qui manque tout à coup sous les pas et se creuse en vallée à pic, nous eûmes devant les yeux un des plus gracieux vallons où jamais nos regards se fussent reposés. Nous nous y précipitâmes au galop de nos chevaux, attirés par la nouveauté du spectacle et par l’attrait de la fraîcheur, de l’humidité et de l’ombre, dont cette vallée était toute pleine : ce n’était partout que pelouses du plus beau vert, où croissaient çà et là des touffes de joncs en fleurs, et des plantes bulbeuses dont les larges et éclatantes corolles semaient d’étoiles de toutes couleurs les gazons et le pied des arbres ; des bosquets d’arbustes aux longues tiges flexibles, retombant comme des panaches tout autour de leurs troncs multipliés ; de grands peupliers de Perse aux légers feuillages, non pas s’élevant en pyramides comme nos peupliers taillés, mais jetant librement de tous côtés leurs membres nerveux comme ceux des chênes, et dont l’écorce, lisse et blanche, brillait aux rayons mobiles du soleil du matin ; des forêts de saules de toute espèce, et de grands osiers tellement touffus qu’il était impossible d’y pénétrer, tant les arbres étaient pressés, et