Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/218

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de coussins ou de matelas de soie épars au milieu de l’appartement, et qui servent de siéges ou de dossiers aux personnes de la famille. Un divan recouvert d’étoffes précieuses et de tapis infiniment plus fins règne au fond et sur les contours de la chambre. Les femmes et les enfants y sont ordinairement accroupis ou étendus, occupés des différents travaux du ménage. Les berceaux des petits enfants sont sur le plancher, parmi ces tapis et ces coussins ; le maître de la maison a toujours un de ces salons pour lui seul ; c’est là qu’il reçoit les étrangers ; on le trouve ordinairement assis sur son divan, son écritoire à long manche posée à terre à côté de lui, une feuille de papier appuyée sur son genou ou sur sa main gauche, et écrivant ou calculant tout le jour, car le commerce est l’occupation et le génie unique des habitants de Damas.

Partout où nous sommes allés rendre des visites qu’on nous avait faites la veille, le propriétaire de la maison nous a reçus avec grâce et cordialité ; il nous a fait apporter les pipes, le café, les sorbets, et nous a conduits dans le salon où se tiennent les femmes. Quelque idée que j’eusse de la beauté des Syriennes, quelque image que m’ait laissée dans l’esprit la beauté des femmes de Rome et d’Athènes, la vue des femmes et des jeunes filles arméniennes de Damas a tout surpassé. Presque partout nous avons trouvé des figures que le pinceau européen n’a jamais tracées, des yeux où la lumière sereine de l’âme prend une couleur de sombre azur, et jette des rayons de velours humides que je n’avais jamais vus briller dans des yeux de femme ; des traits d’une finesse et d’une pureté si exquises, que la main la plus légère et la plus suave ne pourrait les imiter, et une peau si transparente