Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/23

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Quand nous aperçûmes enfin la réverbération des flots, nous ne pûmes contenir notre impatience : nous partîmes au galop pour nous précipiter dans les premières vagues, qui dormaient devant nous, brillantes comme du plomb fondu, sur le sable. Le scheik de Jéricho et ses Arabes, qui nous suivaient toujours, croyant que nous voulions courir le djérid avec eux, partirent alors en même temps en tous sens dans la plaine ; et, revenant sur nous en poussant des cris, brandissaient leurs longues lances de roseaux, comme s’ils eussent voulu nous percer ; puis, arrêtant leurs chevaux et les renversant sur leurs jarrets, ils nous laissaient passer, et repartaient de nouveau pour revenir encore. J’arrivai le premier, grâce à la vitesse de mon cheval turcoman ; mais, à trente ou quarante pas des flots, le lit de sable mêlé de terre est tellement humide et d’un fond si marécageux, que mon cheval enfonçait jusqu’au ventre, et que je craignis d’être englouti. Je revins sur mes pas ; et, descendant de cheval, nous nous approchâmes à pied du rivage. La mer Morte a été décrite par plusieurs voyageurs. Je n’ai noté ni son poids spécifique, ni la quantité de sel relative que ses eaux contiennent. Ce n’était pas de la science ou de la critique que je venais y chercher. J’y venais simplement parce qu’elle était sur ma route, parce qu’elle était au milieu d’un désert fameux, fameuse elle-même par l’engloutissement des villes qui s’élevèrent jadis là où je voyais s’étendre ses flots immobiles. Ses bords sont plats du côté du levant et du couchant ; au nord et au midi, les hautes montagnes de Judée et d’Arabie l’encadrent, et descendent presque jusqu’à ses flots. Celles d’Arabie cependant s’en éloignent un peu plus, surtout du côté de l’embouchure du Jourdain, où nous étions alors. Ces bords sont entièrement déserts ; l’air