Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/236

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voyageant, et qu’en voyant combien est peu de chose le mouvement qu’une mer arrête, le bruit qu’une montagne intercepte, la renommée qu’une langue étrangère ne peut même prononcer. Notre immortalité est ailleurs que dans cette fausse et courte immortalité de nos noms ici-bas !

Nous avons dîné aujourd’hui avec un vieillard chrétien de Damas, âgé de plus de quatre-vingt-dix ans, et jouissant de la plénitude de ses facultés physiques et morales. Excellent et admirable vieillard, portant dans ses traits cette sérénité de la bienveillance et de la vertu que donne le sentiment d’une vie pure et pieuse approchant de son terme ! Il nous comble de services de tout genre. Il est sans cesse en course pour nous comme un jeune homme. Le père Poussous, son compagnon, deux négociants de Bagdhad, et un grand seigneur persan qui va à la Mecque, complétaient la réunion paisible du soir, sur les divans de M. Baudin, au milieu des vapeurs du tabac et du tombac, qui obscurcissaient et parfumaient l’air. À l’aide de M. Baudin et de M. Mazoyer, mon drogman, on causait avec assez de facilité. La cordialité et la simplicité la plus parfaite régnaient dans cette soirée d’hommes des quatre extrémités du monde. Les mœurs de l’Inde, de la Perse, les événements récents de Bagdhad, la révolte du pacha contre la Porte, étaient les sujets de nos entretiens. L’habitant de Bagdhad avait été obligé de s’enfuir à travers le désert de quarante jours, sur ses dromadaires, avec ses trésors et deux jeunes Francs. Il attendait impatiemment des nouvelles de son frère, dont il craignait d’apprendre la mort. On lui apporta une lettre de ce frère pendant qu’il en causait avec nous. Il était sauvé,