Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/295

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semblait effrayé que je me hasardasse à la lancer, et ne comprenait pas que je pusse me tenir en équilibre dans les chemins escarpés que nous gravissions ; il nous fut bien utile plus tard, lorsque nous rencontrâmes, précisément dans ces gorges, d’innombrables pèlerins revenant de Jérusalem, qui nous barraient le passage : il les força à nous céder le sentier le moins impraticable parmi les blocs de granit et les racines des arbustes qui bordaient le ravin et nous empêchaient de rouler dans le précipice ; sans son autorité, la longue file de la procession marchant toujours, si la queue venait à pousser en avant la tête de la colonne, elle nous aurait infailliblement culbutés.

» En quittant Ramla, la route continue à travers la plaine pendant deux lieues ; nous nous arrêtâmes au Puits de Jacob ; mais n’ayant pas de cruche pour puiser, et l’eau étant très-basse, nous poursuivîmes notre chemin. Tout ce pays conserve des traces si vivantes des temps bibliques, que l’on n’éprouve aucune surprise, aucune difficulté à admettre les traditions qui donnent le nom de Jacob à un puits qui existe encore ; et l’on s’attend à y voir le patriarche abreuver les troupeaux de Rachel, plutôt que de douter de son identité. Ce n’est que par la réflexion que l’on arrive à l’étonnement ou au doute, lorsque les quatre mille ans écoulés, et les diverses phases que l’humanité a subies, se présentent à l’imagination et viennent faire chanceler la foi : du reste, dans une plaine où l’on ne trouve de l’eau que toutes les trois ou quatre heures, un puits, une source a dû être un objet aussi important dans les siècles passés qu’aujourd’hui, et son nom a pu se conserver aussi religieusement que celui des tours de David ou des citernes de Salomon. Nous entrons bientôt