Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/297

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pour rendre le paysage complet ; mais un spectacle d’une autre nature nous attendait.

» Une procession d’innombrables pèlerins de toutes nations, revenant de Jérusalem, défilait, en face de nous, du sommet d’une montagne nue et aride, en serpentant jusque dans la gorge où nous nous trouvions. Rien ne pourra rendre l’effet pittoresque de cette scène, la diversité des couleurs, des costumes, des allures : depuis le riche Arménien jusqu’au plus pauvre caloyer, tout contribuait à l’embellir. Après avoir admiré l’effet général, nous eûmes tout le loisir d’en examiner les détails, pendant deux heures que nous passâmes à nous croiser mutuellement : tantôt c’était un patriarche grec dans son beau costume, majestueusement assis sur une selle rouge et or, la bride de son cheval tenue par deux saïs, et suivi d’une foule à pied, cortége semblable à la marche triomphale d’un légat du pape au moyen âge ; tantôt c’était une pauvre famille dont le père conduisait, avec le bâton de pèlerin, un mulet surchargé de petits enfants ; l’aîné, assis sur le cou de l’animal, tenait une corde pour bride et un cierge pour étendard. D’autres enfants, entassés dans des paniers placés de chaque côté, mordillaient quelques restes de pain bénit ; la mère, pâle et exténuée, suivait avec peine, allaitant le plus jeune, attaché contre son sein par une large ceinture ; ensuite venait une longue file de néophytes tenant chacun un énorme cierge pascal, selon le rit grec, et psalmodiant d’un ton nasal et monotone ; — plus loin, des Juifs à turbans rouges, à longues barbes noires, à l’œil pénétrant et sinistre, semblaient maudire intérieurement un culte qui les avait déshérités. Pourquoi se trouvaient-ils parmi cette foule de chrétiens ? Les