Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/299

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

toujours, pour atteindre la caravane et ne pas rester délaissée dans les défilés des montagnes ; je rougissais de me sentir à cheval, escortée de janissaires, accompagnée d’amis dévoués, qui m’épargnaient tout danger, toute peine, pendant qu’une foi si vive avait conduit des milliers d’individus à braver les fatigues, la maladie, les privations de tout genre. C’étaient là de vrais pèlerins : je n’étais que voyageuse.

» Entre cette première chaîne de montagnes et les dernières hauteurs qui dominent Jérusalem, se trouvent une jolie vallée et le village de Jérémie. Nous venions de passer devant l’ancienne église grecque, qui, comme tant d’autres, est maintenant une étable, lorsque nous vîmes une cinquantaine d’Arabes disposés en amphithéâtre sur les flancs de la colline, et accroupis sous de beaux oliviers. Au milieu du cercle, et sur une petite élévation dominant les autres, était le chef, le fameux Abougosh ; debout à ses côtés, on voyait son frère et son fils couverts de leurs armes et tenant leurs pipes ; leurs chevaux, attachés aux arbres derrière eux, complétaient le tableau. À l’arrivée de notre caravane, il envoya son fils parlementer avec notre drogman, qui marchait en tête. Ayant appris que l’escorte conduisait à Jérusalem la femme de l’émir franc qu’il avait connu il y avait six mois, il nous fit prier de nous arrêter, et d’accepter le café. Nous nous gardâmes bien de refuser ; et, ayant distribué à nos cawass et à nos moukres les provisions pour la halte, nous nous laissâmes conduire à une petite distance du groupe des Arabes. Là, notre dignité exigeait que nous nous arrêtassions, jusqu’à ce que, à leur tour, ils s’avançassent au-devant de nous. Abougosh se leva