Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/317

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vagues ; on attend un intervalle de lames ; une corde est lancée ; l’échelle est placée : nous sommes sur le pont. Le vent devient contraire ; nous restons sur deux ancres, exposés à chaque instant au naufrage, si le mouvement énorme des vagues vient à les briser ; heures d’angoisses physiques et morales dans cet affreux roulis ; le soir et la nuit, le vent siffle, comme dans des tuyaux aigus d’orgue, parmi les mâts et les cordages ; le navire bondit comme un bélier qui frapperait la terre de ses cornes ; la proue plonge dans la mer, et semble prête à s’y abîmer chaque fois que la vague arrive et soulève la poupe ; on entend les cris des matelots arabes de quelques autres navires qui ont amené les pauvres pèlerins grecs à Jérusalem. Ces petits navires, chargés quelques-uns de deux ou trois cents femmes et enfants, essayent de mettre à la voile pour fuir la côte ; quelques-uns passent près de nous ; les femmes poussent des cris en nous tendant les mains ; les grandes lames les engloutissent, et les remontrent à une forte distance ; quelques-uns de ces navires réussissent à s’éloigner de la côte ; deux sont jetés sur les brisants de la rade du côté de Gaza ; nos ancres cèdent, et nous sommes entraînés vers les rochers du port intérieur ; le capitaine en fait jeter une autre. Le vent se modère, il tourne un peu pour nous ; nous fuyons, par un temps gris et brumeux, vers le golfe de Damiette ; nous perdons de vue toute terre ; la journée, nous faisons bonne route ; la mer est douce, mais des signes précurseurs de tempête préoccupent le capitaine et le second ; elle éclate au tomber du jour ; le vent fraîchit d’heure en heure, les vagues deviennent de plus en plus montueuses ; le navire crie et fatigue ; tous les cordages sifflent et vibrent sous les coups de vent comme des fibres de métal ; ces sons aigus et plaintifs ressemblent