Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/321

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notre ami M. Bottu nous fait des signaux de reconnaissance ; tout le monde reste à bord ; ma femme ne pourrait revoir sans déchirements de cœur cette excellente et heureuse famille de M. Bottu, où elle avait, si heureuse alors elle-même, reçu l’hospitalité il y a quinze mois.

Je descends à terre avec le capitaine ; je reçois de M. et madame Bottu, de MM. Perthier et Guillois, jeunes Français attachés à ce consulat, les marques touchantes de bienveillance et d’amitié que j’attendais d’eux ; je visite M. Mathéi, banquier grec auquel je suis recommandé ; nous envoyons des provisions de tout genre au brick ; M. Mathéi y joint des présents de vins de Chypre et de moutons de Syrie. Pendant que je parcours les environs de la ville avec M. Bottu, la tempête, calmée, recommence ; on ne peut plus communiquer avec les vaisseaux en rade ; les vagues couvrent les quais et lancent leur écume jusqu’aux fenêtres des maisons ; soirée et nuit affreuses que je passe sur la terrasse ou à la fenêtre de ma chambre, au consulat de France, à regarder le brick, où est ma femme, ballotté dans la rade par des lames immenses, tremblant à chaque instant que les ancres ne chassent, et ne jettent le navire sur les écueils, avec tout ce qui me reste de mon bonheur en ce monde.

Le lendemain soir, la mer se calme enfin ; nous regagnons le brick, nous passons trois heures en rade, attendant des vents meilleurs, et visités sans cesse par M. Mathéi et par M. Bottu. Ce jeune et aimable consul est celui de tous les agents français dans l’Orient qui accueillait le plus cordialement ses compatriotes et honorait le plus le