Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/33

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rendu méconnaissable par les ruines qui ensevelirent Jérusalem. Des disciples qui avaient veillé et prié avec le Christ purent revenir, et dire, en marquant le rocher et les arbres : « C’était là ! » Une vallée ne s’efface pas comme une rue, et le moindre rocher dure plus que le plus magnifique des temples.

La grotte de Gethsemani et le rocher qui la couvre sont entourés maintenant des murs d’une petite chapelle fermée à clef, et dont la clef reste entre les mains des religieux latins de Jérusalem. Cette grotte et les sept oliviers du champ voisin leur appartiennent ; la porte, taillée dans le roc, ouvre sur la cour d’un autre pieux sanctuaire que l’on appelle le Tombeau de la Vierge ; celle-ci appartient aux Grecs ; la grotte est profonde et haute, et divisée en deux cavités qui communiquent par une espèce de portique souterrain. Il y a plusieurs autels taillés aussi dans la roche vive ; on n’a pas défiguré ce sanctuaire, donné par la nature, par autant d’ornements artificiels que tous les autres sanctuaires du Saint-Sépulcre ; la voûte, le sol et les parois sont le rocher même, suintant encore, comme des larmes, l’humidité caverneuse de la terre qui l’enveloppe ; on a seulement appliqué, au-dessus de chaque autel, une mauvaise représentation, en lames de cuivre peint de couleur chair, et de grandeur naturelle, de la scène de l’agonie du Christ, avec les anges qui lui présentent le calice de la mort. Si l’on arrachait ces mauvaises figures qui détruisent celles que l’imagination pieuse aime à se créer dans l’ombre de cette grotte vide ; si on laissait les regards mouillés de larmes monter librement et sans images sensibles vers la pensée dont cette nuit est pleine, cette grotte serait la plus intacte