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15 mai.


Sorti à pleines voiles du golfe de Smyrne ; arrivé à la hauteur de Vourla ; en courant une bordée à l’embouchure du golfe, le brick touche sur un banc de sable par la maladresse du pilote grec ; le vaisseau reçoit une secousse qui fait trembler les mâts, et reste immobile à trois lieues des terres ; la vague grossissante vient se briser sur ses flancs ; nous montons tous sur le pont : c’est un moment d’anxiété calme et solennel, que celui où tant de vies attendent leur arrêt du succès incertain des manœuvres qu’on tente. Un silence complet règne ; pas une marque de terreur ; l’homme est grand dans les grandes circonstances ! Après quelques minutes d’efforts impuissants, le vent nous seconde et nous fait tourner sur notre quille ; le brick se dégage, et aucune voie d’eau ne se déclare ; nous entrons en pleine mer, l’île de Mitylène à notre droite. — Belle journée ; nous approchons du canal qui sépare l’île du continent ; mais le vent faiblit, les nuages s’accumulent sur la pleine mer ; à la tombée de la nuit, le vent s’échappe de ces nuages avec la foudre ; tempête furieuse, obscurité totale ; les deux bricks se font des signaux de reconnaissance, et cherchent la rade de Foglieri, l’antique Phocée, entre les rochers qui forment la pointe nord du golfe de Smyrne ; en deux heures la force du vent nous chasse de dix lieues le long de la côte ; à chaque instant la foudre tombe et siffle dans les flots ; le ciel, la mer